Bien connue, croit-on, est l'histoire de la conquête du pôle Nord. Et pourtant... Le mot même est ambigu : conquête géographique ou guerrière ? La longue marche des conquérants mérite un examen critique, auquel se livre Dominique Le Brun.
On découvre ainsi que l'exploration de l'Arctique fut beaucoup plus violente qu'on ne l'a dit. On apprend qu'un mythe soigneusement entretenu, selon lequel il existait au sommet du monde une mer libre de glace, a envoyé à la mort des équipages plein d'enthousiasme ; on s'étonne des querelles à la fois politiques, financières et idéologiques qui ont opposé les explorateurs rivaux ; on comprend que les exploits arctiques de l'État soviétique naissant étaient destinés, en fait, à ouvrir la route des goulags. Et l'on prend conscience, enfin, que l'océan qui s'ouvre sous l'effet de la fonte des glaces est un enjeu stratégique pour l'Europe et l'Amérique, mais aussi pour la Chine, et, surtout, pour la Russie...
Lui-même navigateur et grand voyageur, Dominique Le Brun est un fin connaisseur de la littérature maritime. Il a réalisé chez Omnibus plusieurs anthologies, consacrées aux phares, au Cap Horn, à la découverte des Pôles, aux pirates... et réédité les grands romans de mer de Forester, Mac Orlan, O'Brian, Peisson, Queffélec, Reeman et Vercel.
Juste avant la dernière masse critique Babelio, je terminais un livre témoignage de Mike Horn sur sa traversée de l'Antarctique. Fort de mon ressenti très positif de cette lecture, je me suis décidée à cocher ce livre de Dominique Le Brun sur l'Arctique. Et bien m'en a pris. C'est une vrai mine d'informations.
On y apprend que plus de trois cents ans avant J.-C., le massaliote Pythéas (ancienne Marseille) navigateur et astronome se lance déjà à la recherche de l'étain et de l'ambre dans les mers froides jusqu'à l'Islande avec son navire l'Artémis histoire déjà de découvrir de nouvelles terres où commercer.
Puis au début de l'ère chrétienne, ce sont des moines navigateurs qui partent à la recherche de nouvelles terres à évangéliser et qui sont fort nombreux à s'installer dans différentes îles des continents Nord.
Bien sûr on ne peut manquer d'évoquer les Vikings, avec leurs fameux drakkars, qui eux partent surtout à la recherche de nouvelles terres pour s'y installer et y demeurer. Ils sont remontés fort loin au-delà de l'Islande vers le Groënland, l'Alaska.
Et ainsi de suite, ce sont de multiples navigateurs et bateaux qui ont pris le chemin de la découverte vers ce continent mystérieux pour l'époque et cela à des fins de découvertes de routes maritimes qui permettraient de commercer avec la Chine et les Indes.
Que ce soit les Anglais, les Norvégiens, les Français (avec la découverte de Jacques Cartier du Canada) on assiste à une succession de voyages parfois fructueux mais aussi souvent catastrophiques, avec perte de navire et d'hommes. Le but essentiel étant de trouver une route par le Nord-Ouest qui permettrait de passer le détroit de Bering et retrouver l'Océan Pacifique.
Le XIXème est donc une période où les expériences des uns font l'expérience des autres. Au fur à mesure, les navires réussissent à remonter à des degrés de latitude de plus en plus haut.
Tout cela nous est raconté à travers les récits des navigateurs et témoins de l'époque ainsi que les témoignages des journaux de bord. Les différents arguments et théories scientifiques nous expliquent les choix faits par ces aventuriers des mers. Les déceptions mais aussi le courage qu'il a fallu pour partir vers des contrées vierges et inconnues.
Au fur et à mesure des découvertes et des voyages ont assiste à une évolution des matériels, tenues vestimentaires et alimentation entre autre pour palier au scorbut qui faisait des ravages dans la Marine.
Evolution aussi dans les moyens de transports : du bateau antique de Pythéas, l'Artémis petit navire d'environ 18 mètres avec un équipage de 20 personnes dont 18 rameurs en passant par les différents navires affrétés le long des siècles qui suivirent, à la découverte de ces nouvelles terres et mers arctiques.
On assiste donc à une transformation des formes, de la répartition des charges dans le navire, des renforcements des coques, ainsi que du matériel de navigation.
Roald Admundsen ira même à survoler l'Arctique en dirigeable « Le Norge » plus apprécié qu'un avion car plus fiable, plus sûr et plus maniable.
Au final, je me dis qu'heureusement l'homme a su dépasser ses peurs et ses incertitudes, a su faire preuve de courage pour partir ainsi à l'aventure de mers et continents totalement inconnus. Bien sûr souvent à des fins commerciales donc mercantiles, mais aussi par pur goût de l'aventure et de la découverte dans le dépassement des limites humaines. Bravo à tous ces grands découvreurs.
Et merci à Babelio et aux éditions Omnibus pour cette masse critique fort intéressante et instructive. Lecture très prenante et documentée.
Citation :
"Croyant à l'existence d'une mer libre au nord des continents, les navigateurs de l'Europe septentrionale cherchèrent longtemps dans cette direction un passage conduisant aux Indes et en Chine. Partout ils trouvèrent la route fermée, mais loin d'être découragée par ces insuccès, ils n'en persistèrent pas moins pendant longtemps dans leurs tentatives…..
Si erronée que fut cette hypothèse, elle a été cependant utile au développement de la connaissance du globe. Toutes ces expéditions ont, en effet rapporté de précieuses observations et rétréci le domaine de l'inconnu."
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