vendredi 3 mai 2019

La nuit des béguines (Aline Kiner)



À Paris, au Moyen Âge, un bâtiment singulier borde la rue de l’Ave Maria, dans le Marais : le grand béguinage royal, fondé par saint Louis. Dans ses murs, vit une communauté de femmes hors normes. Veuves ou célibataires, nobles ou ouvrières, elles peuvent étudier, travailler, circuler librement dans la cité. Mais en 1310, la sérénité du béguinage est troublée par l’exécution en place de Grève de Marguerite Porete, une béguine de Valenciennes brûlée vive pour avoir écrit un livre qui compromet l’ordre établi… C’est là que commence le roman, alors que le royaume de Philippe le Bel amorce son déclin et que les persécutions contre les Templiers se multiplient. Ysabel, responsable de l’hôpital, vit là depuis vingt ans lorsque la jeune et rousse Maheut s’y réfugie. Celle-ci fuit des noces imposées par son frère, et la traque d’un inquiétant moine franciscain. Son arrivée est mal accueillie par la majorité des femmes du clos : les cheveux roux ne sont-ils pas l’oeuvre du Diable ? Dame Ade, qui aspire à se tenir en retrait du monde depuis la mort de son mari, regarde elle aussi avec méfiance la nouvelle venue. Ysabel est obligée de cacher sa protégée ailleurs dans la cité… Ce n’est que le début d’un saisissant suspense qui nous emmène dans une époque charnière d’une étonnante actualité.


L'auteure Aline Kiner nous livre avec ce roman une belle fresque sur la vie des Béguines pour lesquelles Saint-Louis avait créé le grand béguinage de Paris, dans le Marais, dont on peut encore retrouver les contours aujourd'hui. Saint Louis les avaient installées là parce que c'était un territoire hors de toute seigneurie, ce qui les préservait de toute soumission aux seigneurs ainsi qu'à l’Église.

Beaucoup d'entre elles étaient veuves et le statut du béguinage leur permettait d'échapper aux remariages imposés par les familles. Le statut des femmes n'était pas à la liberté à l'époque soit au nom des alliances des familles et surtout de la bienséance imposée.
Dans ce roman, l'héroïne est une béguine déjà âgée Ysabel. Elle protège ses compagnes plus défavorisées qu'elles, aussi bien avec ses remèdes que d'une manière plus pratique en leur apportant le soutien et la survie matérielle au sein de la communauté.
Beaucoup d'entre elles venant de familles aisées comme Dame Ade et Ysabel sont très instruites et éduquent les enfants.

On rencontre dans ce roman de très belles figures à la fois libres, indépendantes mais très pieuses et attachées à protéger et soigner les plus faibles. La sororité n'est pas pour elles un vain mot.
Mais l’Église et leurs ennemis veulent reprendre leurs prérogatives et vont tout faire pour dénigrer et démanteler le statut des béguines. Affaire de religion mais surtout affaire d'argent. Le royaume de Philippe Le Bel a toujours besoin de plus en plus d'argent et ces femmes indépendantes comme les templiers sont des exemples de liberté qu'il faut à tout prix abattre.

L'auteure nous fait donc revivre la vie des béguines dans le clos royal, l'amour des simples, de la nature, ces femmes vivant du fruit de leur travail, Ysabel en est le parfait exemple, elle a un savoir encyclopédique de tout ce qui est plantes, soins des malades. Entre leurs obligations naturelles de travail, d'éducation et aussi de rythme religieux de la journée, l'époque était très pieuse et vivait au rythme des services religieux, on voit donc ses béguines dans leur quotidien.

J'ai aimé l'écriture de Aline Kiner, très érudite, fluide, claire elle nous livre un beau roman historique qui nous fait revivre aussi le Paris de l'époque avec ses petits métiers, ses rues sordides mais aussi l'entraide des gens entre eux. C'est tout un univers de senteur, de vie, de mort et surtout elle fait revivre devant nous ces femmes qui ont été plus ou moins occultées par l'Histoire.

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